Vidéo de la commemoration
Commémoration du centenaire de la libération de la commune Villers-en-Cauchies – samedi 17 novembre 2018
Discours de Monsieur le Maire
Mesdames et Messieurs,
Cette année 2018 revêt un caractère particulier, puisque la France, entourée des nombreux pays qui ont participé à la première guerre mondiale, commémore solennellement le centenaire de l'Armistice et, corollairement, celui de la libération des territoires envahis.
Avant nous et avec le faste que permettent des moyens financiers souvent supérieurs aux nôtres, bien des communes ont participé à cette démarche mémorielle à laquelle Villers-en-Cauchies s’associe aujourd’hui par une manifestation patriotique modeste mais néanmoins hautement symbolique.
À n’en pas douter, la route qui mena à la Victoire et à la délivrance de 1918 fut longue, douloureuse et semée d'embûches. Notre Nation n'aurait pu les surmonter sans l'appui des Alliés au premier rang desquels se place le Royaume-Uni.
Présentes à nos côtés dès les premières heures du conflit, les armées britanniques combattent partout où « le devoir et la gloire les conduisent ». Et c'est principalement sur le front occidental qu’elles se déploient largement pendant quatre années.
L’effort de guerre britannique ne cesse de s’amplifier au cours du conflit. Fort de 70 000 hommes en 1914, le Corps Expéditionnaire Britannique s’étoffe, par la suite, pour atteindre plusieurs millions de combattants.
D’abord constituées de militaires de carrière, les unités amalgament des engagés volontaires et des conscrits qui, à peine débarqués sur le continent, sont soumis à un entraînement très dur avant de partir au feu.
Les Britanniques sont largement sollicités pour tenir, aux côtés des forces françaises et en lien avec d’autres alliés, un front de 750 km qui va de la Manche à la frontière suisse. Dans les secteurs qui leur sont confiés, ils font face aux Allemands avec détermination et courage.
Leurs drapeaux flottent sur de nombreux champs de bataille de la Belgique et du Nord de la France.
Entre 1914 et 1917, on les trouve à l’action en Flandres, en Artois, dans le Cambrésis avec l’objectif de percer les lignes défensives ennemies. Mais aux grands espoirs succèdent de plus grandes déceptions encore, notamment, en 1916, lors de la bataille de la Somme où l’hécatombe est terrible. En l’espace de cinq mois, de juillet à novembre, les Britanniques enregistrent de très lourdes pertes : au moins 420 000 morts, disparus, prisonniers et blessés sont à déplorer pour des gains territoriaux dérisoires.
Et pourtant, ils tiennent bon dans des conditions souvent effroyables. Les Tommies sont confrontés, de jour comme de nuit, aux poux, aux rats, à la boue, à la mitraille, à des ordres parfois absurdes et à la mort qui règne sans partage. Seuls un patriotisme ardent, un fort esprit de camaraderie, des liens épistolaires réguliers avec la famille restée au pays et des permissions contribuent à maintenir leur moral si souvent éprouvé au cours d’un conflit qui s’est enlisé.
Après 43 mois de combats intenses et meurtriers, la victoire ne sourit toujours pas aux Alliés.
Au printemps 1918, lorsque se déclenche la « Kaiserschlacht », la situation se dégrade même. Les coups de boutoirs des armées allemandes provoquent la rupture du front dans divers secteurs et précipitent les Alliés au bord du gouffre. La catastrophe est évitée de justesse grâce aux renforts américains, aux troupes fraîches venues du Commonwealth et à l’utilisation massive des chars.
Après avoir contenu les dernières attaques allemandes, le général Foch, Commandant en chef des armées alliées, décide, en août, de lancer une offensive générale. Les Britanniques y participent en Picardie, en Artois et en Flandres.
Renforcés par d’importants contingents australiens, canadiens et néo-zélandais, ils donnent l’assaut aux positions fortifiées allemandes et parviennent, début octobre, à percer définitivement la ligne Hindenburg. Progressant partout, ils délivrent Cambrai en deux jours (8-9 octobre 1918) avant de continuer leur course poursuite vers la frontière. Le 12 octobre suivant, Villers-en-Cauchies est libéré. A peine un mois plus tard, la Victoire finale des Alliés est consommée, non sans que les Allemands aient résisté vaillamment jusqu’au bout.
Au lendemain de l’Armistice de novembre 1918, l’heure est désormais à la préparation du rapatriement des troupes britanniques qui ont combattu sur le front ouest. Alors que les survivants quittent progressivement le sol de France, les dépouilles de plusieurs centaines de milliers de Tommies, morts au combat, vont demeurer à jamais sur un territoire s’étendant de la Somme à la Belgique flamande.
Chez nous, pas de vastes cimetières comme à Passchendaele ou à Etaples, pas de monuments grandioses comme à Ypres ou Thiepval, pas de poète disparu comme à Ors. Juste un petit carré militaire, blotti dans un coin du cimetière communal et entretenu avec soin par les services de la Commonwealth War Graves Commission.
Là reposent, côte à côte et pour l’éternité, les dépouilles de 23 militaires britanniques appartenant à diverses armes et à divers régiments : soldats, sous-officiers et officiers qui ont fait le don ultime de leur vie.
Tombés, à la fleur de l’âge, quelques jours avant la fin des hostilités, Ils n’ont pas connu le soulagement de l’armistice, ni l’exaltation d’une victoire chèrement gagnée, pas même la joie de rentrer au pays pour serrer dans leurs bras ceux qui les aimaient tant.
Mais leur sacrifice a mis fin à quatre années d’une occupation particulièrement dure pendant laquelle aucune souffrance n’a été épargnée à la population civile. Il a permis à notre communauté de retrouver la Liberté, de renouer avec la paix et d’accueillir ses fils de retour de la guerre, vivants ou morts.
Ces 23 hommes nous réunissent aujourd’hui dans une même communion de cœur et d'esprit.
Étrangers, ils le sont assurément, par leur nationalité, par l'absence de liens familiaux avec nous, par le peu de connaissances que nous en avons. D'eux, à vrai dire, nous ne savons rien ou presque et leurs visages nous sont inconnus. Et pourtant, ils sont si proches de nous par leur humanité, par la cause défendue en 14/18, par leur présence centenaire sur un sol qu'ils ont contribué à libérer au prix du sang versé.
Nous avons envers eux une dette inextinguible.
Discrètes et impassibles face aux soubresauts du monde, ces sentinelles de la mémoire ne sont pourtant pas silencieuses. Dans les « Mémoires d’outre-tombe », François René de Chateaubriand écrit « Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants »
Il n’y a rien de plus vrai.
Cent ans après leur mort, ces hommes continuent à délivrer un message de paix et de fraternité entre les peuples.
Du tréfonds de leur tombeau, ils nous interrogent sur notre capacité à faire un monde meilleur, à défendre les valeurs pour lesquelles ils se sont battus, à donner un sens à notre vie.
Ils nous invitent à regarder et construire l’avenir avec confiance et lucidité.
Et, cet avenir, nous souhaitons ardemment le partager avec nos amis britanniques dans une Union Européenne forte, prospère, équitable et solidaire.
Puisse le Brexit ne jamais tuer notre envie de vivre et de grandir ensemble !